La prometteuse carrière d’Ikram Bouloum, musicienne et chanteuse d’origine marocaine, doit beaucoup à la ville de Barcelone : « je suis arrivée ici il y a une dizaine d’années », se souvient Ikram. « J’avais dix-sept ans, je débarquais de ma province catalane… Initialement, je suis arrivée à Barcelone pour étudier les sciences humaines. Mais je m’en suis vite détournée, pour m’intéresser à la photographie. J’ai également pas mal écrit sur la musique. Le Deejayjing est arrivé dans ma vie il y a quatre, cinq ans je dirais. À partir de ce moment, les choses sont allées très vite ». Ikram va alors sillonner les clubs locaux : « je jouais tous les week-ends, dans toutes les salles et dans les événements possibles. C’était hyper excitant de participer, et d’appartenir à cette nouvelle scène du clubbing barcelonais des années 2010 ».
Durant cette période de mixes, le besoin de se faire entendre – vocalement cette fois-ci – va faire son chemin : « j’ai commencé à éprouver l’envie de m’exprimer, de donner de la voix », nous confie l’artiste. « Chanter est un geste de communication. Il me permet d’exprimer des thèmes intimes, le choc culturel, la question de l’identité ou de l’exil passent par ma voix. Mais le chant reste une pratique encore très nouvelle pour moi ! » Une voix qui s’exprime sur son premier EP Ha-bb5 (prononcez « habibi five »). Ikram y chante en amazigh (langue berbère parlée entre autres au Maroc) -sa langue natale, en anglais ou en catalan : « L’amazigh retient toute mon attention émotionnelle, il s’agit du moyen de communication le plus intime que je puisse dévoiler dans ma musique. L’anglais contient une portée plus mondiale. Enfin je chante en catalan pour m’exprimer sur des sujets, disons, plus quotidiens ».
Sur les cinq titres d’Ha-bb5, sortis cet été, les nappes vocales d’Ikram Bouloum se déploient, par des productions rythmiques complexes, saturées, très riches, élaborées en studio aux côtés du producer Mans O., fondation du label So Urgent, qui vient de signer Ikram : « Mans O. a passé des heures à m’accompagner en club, et à écouter mes DJ sets. Du coup, il connaît parfaitement mon imaginaire sonore. Il sait exactement ce que je cherche à exprimer en musique. Notre collaboration en studio n’en est que plus fonctionnelle. On avance en binôme, j’arrive avec des pistes, des ébauches conceptualisées, puis nous développons un dialogue créatif aux machines ». Un dialogue musical entre pop éthérée et Global Bass, au sein duquel le musicien Mans. O a ciselé des petits trésors de structures polyrythmiques électroniques.
En cette rentrée, Ikram charbonne déjà son second EP. Activiste d’un underground barcelonais toujours bouillant, elle sait également redistribuer à une scène qui l’a nourrie de nombreuses années : Ikram est membre de Jokkoo (Mookie, Opoku, Baba Sy), collectif sonique bien connu des noctambules espagnols, récemment croisés au Nyege Nyege Fest ou lors d’une Créole livestreamée l’année dernière pour cause de Covid. La jeune artiste trempe également ses mains dans tout ce que Barcelone propose de culturellement libre et excitant, des actions de la coopérative pluridisciplinaire l’Affluent à la programmation de la salle de concert VOL, en passant par la direction artistique du festival BAM : « l’idée est de rester attentive à la ville, à ses nombreuses émanations créatives », explique-t-elle, « de pouvoir dégager des espaces suffisants aux initiatives nouvelles, qu’elles puissent s’exprimer librement et s’épanouir… » S’exprimer librement, Ikram Bouloum s’en est fait une spécialité, de quoi s’épanouir encore longtemps.
Ha-bb5, l’EP d’Ikram Bouloum, est sorti sur le label So Urgent. Chacun des cinq titres est également décliné sous la forme de vidéoclips, réalisés par Goretexdealer, Sara V. Malló et Marcos Oteiza, et traduits par Guillem Daniel Esteba et Britt Elvira Ruitenberg.
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